Une critique du jouet sous toutes ses formes 

L’exposition Rayon Jouets déplie, à l’aide d’oeuvres d’artistes contemporains et d’objets historiques, une réflexion sur le jouet (en tant qu’objet), le jeu (en tant que pratique) et leurs idéologies, autrement dit les systèmes de compréhension du monde qu’ils façonnent.

Emblèmes de l’enfance, les jouets existent depuis la Préhistoire et sont les supports du jeu, véritable fait culturel universel. Comme l’art, le jeu fait partie des phénomènes permettant aux êtres humains d’appréhender le monde et oriente le rapport que l’enfant va créer avec le réel, et façonne l’adulte qu’il deviendra.

Certains jouets cachent bien leur jeu : derrière leur vernis inoffensif et leur rôle affiché de divertissement, ils sont empreints de visions de la société qui reproduisent ce que l’on pourrait appeler la norme. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, ils constituent principalement un support d’apprentissage. L’importance du loisir, du développement et de l’imagination n’est reconnue que tardivement, grâce aux mouvements éducatifs du XXe siècle.

Crédit et légende : Rachel Hobkirk, Staring, Oil on linen, 170 x 200 cm, 2023

L’exposition Rayon Jouets rassemble une cinquantaine d’oeuvres d’artistes contemporains : peintures, sculptures, installations, vidéos, jeux-vidéos… Ces artistes ont pour point commun de détourner le jouet, parfois contre lui-même, pour amener à le regarder autrement. Artistes de renommée internationale comme artistes émergents et de tous horizons figurent au sein de cette exposition qui questionne le jouet sous plusieurs angles. Certaines oeuvres présentent une dimension interactive afin d’offrir aux visiteurs une expérience unique, dynamique et interactive.

Les artistes présentés dans l’exposition :

Monira Al Qadiri, Francis Alÿs, Mathis Altmann, Nina Beier, Neil Beloufa, Eloise Bonneviot & Anne de Boer, Tommy Cash, Debora Delmar, Kevin Desbouis, Cécile Di Giovanni, Gerrit Frohne-Brinkmann, Simon Fujiwara, Elsa Goussies, Matthieu Haberard, Rachel Hobkirk, Tony Hope, Esteban Jefferson, Gregory Kalliche, Ghislaine Leung, Nevine Mahmoud, Gabriel Massan, Ad Minoliti, Chalisée Naamani, Arash Nassiri, Charlemagne Palestine, Benoît Piéron, Hannah Quinlan & Rosie Hastings, Bunny Rogers, Janne Schimmel, Cindy Sherman, Flannery Silva, Aviva Silverman, Kyle Thurman, Dziga Vertov, Marianne Vieulès, Julia Wachtel, Zhi Wei, Murphy Yum.

Crédit et légende : Tommy Cash, Nukerashka, 2022 ABS, polyuréthane, peinture, carton, 29 x 46 x 40 cm
Courtesy de l’artiste, Temnikova & Kasela Gallery (Tallinn) © Stanislav Stepaško

Les jouets historiques et modernes

Grâce aux généreux prêts de quatre institutions muséales d’envergure (musée des Arts décoratifs, Mucem, Institut du monde arabe, Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne), Rayon Jouets présente une riche sélection de plus de 80 jouets historiques et modernes. Des jouets parmi les plus anciens du monde, comme des chariots ou hochets datant du IIème millénaire avant notre ère, jusqu’aux poupées Barbie nouvelle génération du XXIème siècle en passant par des jeux de l’oie du XVIIIème siècle, la sélection brasse les cultures et les temporalités pour mieux mettre en lumière le rôle du jouet comme témoin des enjeux contemporains de nos sociétés.

Pour Rayon Jouets, le Hangar Y bénéficie d’un prêt exceptionnel d’une quarantaine d’oeuvres accordé par le musée des Arts décoratifs dont la collection de jouets dépasse les 15 000 pièces, l’une des plus importantes d’Europe. Jouets de propagande, de construction, super-héros, maisons de poupées et ours en peluche sont autant d’objets qui composent cette collection riche et diverse.

Commissariat

Le propos et le contenu de l’exposition Rayon Jouets sont conjointement conçus grâce au conseil scientifique d’Anne Monier Vanryb en matière de jouets historiques et modernes, à l’expertise de Cédric Fauq pour la création artistique contemporaine et à la direction artistique de la Fondation Art Explora, représentée par Blanche de Lestrange

Scénographie

Inspiré·e par l’environnement du magasin de jouets et de la chambre d’enfants, Ad Minoliti, artiste d’origine argentine, propose une scénographie colorée et ludique en référence au jeu de construction conçu par Alma Siedhoff-Buscher (1899-1944) pour le Bauhaus en 1923. Couleurs primaires, rideaux et mobiliers aux formes géométriques côtoient images d’archives de fabriques de jouets. La scénographie participe des ponts que l’exposition tend entre histoire et période contemporaine à plusieurs niveaux. La concrétisation de cet environnement scénographique est orchestrée par Isabelle Raymondo, scénographe au Centre Pompidou.

Le public est ainsi invité à explorer l’espace d’exposition à travers un mobilier qui lui réserve de nombreuses surprises : des coffres à jouets dissimulent des jouets anciens ou des oeuvres, des formes géométriques creusées dans les murs permettent de déambuler d’un espace à l’autre.

« Ma principale inspiration pour ce geste scénographique vient du jeu de construction d’Alma Siedhoff-Buscher (Bauhaus Bauspiel, 1923). Je me suis inspiré·e de sa palette simple : les couleurs primaires et surtout le vert. Le vert est une couleur très importante pour moi car elle évoque non seulement la conscience écologique, mais aussi la lutte pour les droits reproductifs et l’avortement légal en Argentine. Les jouets ont une grande importance, non seulement parce qu’ils façonnent nos vies, mais aussi parce qu’ils peuvent être des outils pour contrer la domination de l’adulte sur l’enfant et les normes qui nous sont imposées. »

Ad Minoliti